Journées d’études organisées par le

Groupe International de Recherches Sandiennes

(GIRS)

 

Paris – 16 mars 2007

1er -2 février 2008

 

George Sand et l’argent

 

 

Comité scientifique :

 

José-Luis Diaz, Claudine Grossir, Michèle Hecquet, Jean-Yves Mollier, Nicole Mozet, Michelle Perrot, Christine Planté, Marie-Ève Thérenty.

 

 

 

Si la pensée sociale de George Sand a déjà fait l’objet de nombreuses études, rares sont celles qui s’intéressent directement à la question de l’argent, à laquelle l’œuvre romanesque, au contraire de celle de Balzac ou de Zola, n’a pas, semble-t-il, accordé une place centrale. Les réticences idéologiques — le socialisme de George Sand, perçu comme plus idéaliste et social qu’économique, négligerait cette réflexion par trop matérialiste — et le tabou social qui dénie à la femme une quelconque compétence dans le domaine financier du fait de sa minorité juridique, fût-elle comme George Sand séparée de son époux, propriétaire d’un patrimoine et pourvue d’une profession économiquement rentable, se conjuguent pour expliquer cette apparente discrétion dans l’œuvre. L’ambivalence des discours de l’écrivaine à ce sujet, oscillant entre défense de ses intérêts, mépris et libéralités contribue à brouiller les pistes et à accréditer les préjugés.

L’objet de ces journées d’étude sera donc de combler cette lacune et d’envisager cette question, tant dans l’œuvre romanesque, autobiographique, que les articles ou la correspondance.

Un premier éclairage pourra porter sur l’expérience personnelle de la gestion financière de George Sand qui intéresse l’historien de la littérature : les relations avec les éditeurs, avec les directeurs de théâtre, les contrats, permettent de cerner l’évolution des revenus de l’activité intellectuelle de George Sand, l’accélération au cours du siècle de la marchandisation du livre, les liens qui unissent roman et théâtre dans la vie culturelle du Second Empire ; la gestion des propriétés familiales, de Nohant en particulier, permet d’observer comment s’articulent questions d’argent et relations familiales, particulièrement lors des périodes de crises : argent et propriété sont ici au cœur de questions d’identité, de possession et de dépossession de soi, qui confèrent aux biens bien plus qu’une valeur marchande ; l’argent enfin chez George Sand entre dans une économie communautaire dont elle est une inlassable pourvoyeuse : on cherchera à identifier qui furent ses bénéficiaires (parmi lesquels Pierre Leroux, Agricol Perdiguier et bien d’autres) mais aussi ses bailleurs de fonds (Victor Borie par exemple), dans quelles circonstances et pour quels usages, et à dessiner ainsi la configuration de cette communauté mouvante fondée en partie sur la circulation de l’argent.

Un second axe de travail cherchera à montrer comment sous la forme de la dot, de l’héritage, de la gestion du patrimoine, des pensions, des dettes et des emprunts, de la ruine, l’argent se trouve au cœur de l’organisation et des relations matrimoniales et familiales proposées dans les romans, et offre ainsi, une image des fondements et du fonctionnement de la société au XIXe siècle : l’économie familiale n’est jamais sans rapport avec un modèle économique et social (Le Meunier d’Angibault, Nanon) façonné aussi par les revenus du travail, domestique, ouvrier, artistique. Les romans cherchent alors à promouvoir un bon usage de la richesse, qui condamne aussi bien l’avarice que l’usure et la spéculation, recycle éventuellement l’argent acquis frauduleusement et permet de proposer un contre-modèle à l’essor du capitalisme (Le Péché de Monsieur Antoine, La Ville noire). La redistribution de la fortune dans la société post-révolutionnaire affecte tout particulièrement les femmes : comment leur paupérisation ou leur enrichissement agissent-ils sur leur émancipation sociale ? Les études monographiques ou les analyses transversales insisteront sur les trajectoires de personnages qui dessinent un nouveau paysage économique et les mutations sociales qui en accompagnent la création : la valeur de l’argent n’est jamais posée comme une valeur en soi, mais inscrite au cœur d’un réseau où elle prend sens, dans une perspective dynamique.

Un troisième champ de réflexion s’intéressera aux relations que le discours théorique de George Sand sur l’argent, tel qu’on peut le lire par exemple dans les articles politiques publiés dans L’Éclaireur de l’Indre sous la plume du personnage de Blaise Bonnin, ou dans les Bulletins de la République écrits en 1848, et tel qu’on peut le reconstruire à partir des romans, entretient avec les systèmes de pensée de son temps. À quelles sources puisent ces convictions ? Un regard sur les articles économiques de la Revue des Deux Mondes, de l’Encyclopédie nouvelle, par exemple, et sur les travaux des économistes de la première moitié du XIXe siècle permettrait d’éclairer le contexte dans lequel s’inscrit le propos de George Sand et de comprendre comment se construit progressivement sa propre vision de l’économie politique.

 

Les propositions de communication sont à adresser à :

Claudine Grossir, 24 rue des Amiraux, 75018 Paris ou claudine.grossir@noos.fr